La Data dans le sport
Dans le monde du sport, l’intelligence artificielle et la data jouent un rôle prépondérant, non seulement dans l’amélioration des performances athlétiques mais aussi dans la manière dont les évènements sportifs sont perçus et vécus par le public. L’utilisation de technologies avancées pour prédire les issues des compétitions, comme l’exemple d’Opta prévoyant l’Argentine parmi les favoris de la coupe du monde 2022, illustre parfaitement l’impact croissant de la data dans le domaine sportif. Toutefois, l’application de la data dépasse largement le cadre des prédictions de résultats ou des paris sportifs, pour s’étendre à divers aspects du sport.
Aujourd’hui, la collecte et l’analyse des données concernent tous les niveaux d’activité physique, des amateurs aux professionnels, grâce à des dispositifs connectés qui transforment chaque mouvement en données exploitables. Ces innovations, allant des montres intelligentes aux ballons équipés de capteurs, offrent des perspectives inédites pour l’entraînement, la performance, et le suivi santé des sportifs. Elles ouvrent également de nouvelles dimensions pour l’engagement des fans et la santé publique, transformant ainsi les données sportives en un vecteur de développement business stratégique.
La data pour les sportifs
Les applications
Les applications de sport permettent à tous ceux qui en pratiquent de suivre leur progression, leurs performances et ajoutent un aspect social même aux sports individuels.
Strava s’impose aujourd’hui comme un réseau social de référence pour les sportifs puisqu’elle revendique en janvier 2024 120 millions d’utilisateurs. Si certes, son modèle économique repose principalement sur l’abonnement de ses utilisateurs, il offre également des opportunités précieuses pour les marques désireuses d’accroître leur visibilité au sein de cette communauté engagée. Les entreprises peuvent exploiter la plateforme de deux manières significatives : d’une part à travers des pages dans lesquelles les sportifs peuvent se rassembler et d’autre part, elles peuvent proposer des challenges aux utilisateurs de la plateforme et offrir des récompenses comme des bons de réductions à ceux qui les remplissent. Cette stratégie allie habilement renforcement de la marque et promotion de l’activité physique, témoignant de l’impact croissant du numérique dans le secteur sportif.
Certaines entreprises ont opté pour une stratégie d’intégration verticale dans le domaine des données sportives, en choisissant d’acquérir ou de développer leurs propres applications. Adidas par exemple a choisi de racheter pour la somme de 220 millions d’euros de l’application Runtastic qui est donc désormais l’application Adidas Running ou encore Decathlon qui possède sa propre application de sport appelée Decathlon Coach.
Elles ont donc des données propriétaires qui leur permettent de comprendre les différents usages, et donc de capter les tendances sur le long terme pour créer les produits de demain ! Les données récoltées permettent de comprendre les habitudes d’entraînement, les préférences en matière d’activités physiques, et les objectifs de performance des utilisateurs.
Armées de ces insights, les entreprises peuvent personnaliser leurs offres et développer des produits innovants mais également d’améliorer les produits, fonctionnalités, usages existants pour répondre aux attentes changeantes des sportifs. Par exemple, les entreprises peuvent également s’orienter vers des innovations plus durables et responsables, répondant à une demande croissante pour des produits sportifs respectueux de l’environnement, c’est notamment le cas de Decathlon.
En outre, ces applications jouent un rôle crucial dans la fidélisation de la clientèle en créant une expérience utilisateur complète et intégrée, qui englobe à la fois l’équipement physique et le suivi numérique des performances avec une logique hardware – software. Cette approche holistique du parcours sportif, combinant matériel et logiciel, renforce le lien entre les marques et leurs consommateurs, tout en enrichissant l’offre proposée.
Dans le secteur sportif professionnel, l’innovation et la collaboration prennent forme à travers des initiatives comme les hackathons, qui réunissent des talents de divers horizons pour relever des défis analytiques complexes. Un exemple notable est le Sport Analytics Challenge, organisé en partenariat avec le PSG et l’École Polytechnique, qui invite des milliers d’étudiants internationaux à concourir pour une opportunité unique : rejoindre une équipe de recherche de renom et collaborer étroitement avec le département performance du célèbre club de football. Cette approche met en lumière l’importance croissante de la culture data-driven dans le sport de haut niveau.
Par ailleurs, pour de nombreuses fédérations françaises (rugby, ski, natation…) la culture data driven, représentée par l’Institut National du Sport ou encore par l’Institut de Recherche bioMédicale et d’Epidémiologie du Sport, est au cœur de la stratégie de préparation des JO 2024. Ainsi, le projet Detect vise à objectiver les performances des athlètes dans leur contextes de concurrence et à estimer leurs probabilités de figurer dans les prochains JO.
D’autres initiatives voient le jour telles que PerfAnalytics, qui exploite l’analyse vidéo pour affiner les techniques et stratégies sportives, ainsi que Paraperf, dédié à améliorer les perspectives de succès des athlètes en fauteuil roulant en optimisant leurs chances d’accéder au podium. Au tennis, avec des technologies comme celle développée par SAP & WTA, des joueurs comme Novak Djokovic peuvent utiliser la data pour analyser les habitudes et les faiblesses de leurs adversaires, ainsi que pour améliorer leur propre jeu. L’analyse vidéo et les données statistiques permettent aux joueurs et à leurs entraîneurs de décomposer le jeu en segments, identifiant les domaines à améliorer et ajustant les stratégies de match.
En effet, en capitalisant sur les sportifs de haut niveau, les marques vont pouvoir optimiser leurs produits grâce à l’étude des performances. Cette approche permet une compréhension plus fine des exigences athlétiques et ouvre la voie à des innovations ciblées, capables de répondre aux besoins spécifiques des sportifs d’élite et, par extension, du grand public. En exploitant les données issues de ces collaborations, les entreprises peuvent affiner la conception, la fonctionnalité et le confort de leurs équipements sportifs, améliorant ainsi leur offre sur le marché.
De plus, ces partenariats entre fédérations sportives, instituts de recherche et marques commerciales soulignent l’importance de la data dans l’évolution des pratiques sportives, garantissant que les athlètes disposent des meilleurs outils pour atteindre leurs objectifs. Cette synergie entre le sport et l’industrie offre également une vitrine exceptionnelle pour les innovations technologiques dans le sport.
Les objets connectés & confidentialité des données
L’utilisation des objets connectés dans le sport s’est multipliée ces dernières années avec une courbe d’adoption très forte où plus de 40% des américains possèdent une montre connectée début 2022.
Parmi les usages principaux de ces montres, on retrouve évidemment le sport qui fait partie des fonctionnalités principales. Dans le domaine des technologies portables, l’équitation bénéficie également d’innovations notables, telles que la sangle connectée développée par Equisense, qui offre des fonctionnalités comparables à celles d’une montre connectée, incluant le GPS, le suivi de la fréquence cardiaque et l’analyse de la locomotion du cheval. Dans le domaine du cyclisme, Zwift révolutionne le cyclisme en salle en le transformant en une expérience ludique grâce à sa plateforme qui nécessite un abonnement. En outre, le marché propose une variété de capteurs spécialisés, tels que ceux mesurant la puissance ou le rythme cardiaque, offrant une précision supérieure à celle des dispositifs intégrés dans les montres connectées.
Les montres connectées, en intégrant des capteurs de stress, de pouls, et de suivi du sommeil, se révèlent être d’importants dispositifs de suivi de santé, soulevant la question sensible de l’accès aux données de santé personnelles, hautement privées, dans le cadre médical. Dans le secteur du sport amateur, la CNIL est très claire sur le traitement de ces données. Aucune structure sportive n’a le droit de collecter et d’exploiter le numéro de sécurité sociale de ses adhérents. Une structure sportive peut en revanche consulter et récolter des données de santé de ces adhérents dans le cadre du formulaire d’adhésion sur l’état de santé de l’individu.
Plus intéressant, elle peut produire des statistiques sur les jeux et performances des sportifs non professionnels licenciés si ces derniers en sont informés et sont en mesure de s’opposer à celle-ci de façon simple. La structure doit pour ce faire récolter des données strictement nécessaires pour réaliser les statistiques. Si elle s’appuie sur des objets connectés pour les produire, le consentement du sportif doit être “libre, spécifique, univoque et éclairé” d’après la CNIL.
Avec la capacité des objets connectés à surveiller divers indicateurs de santé, les entreprises peuvent jouer un rôle significatif dans la promotion du bien-être général mais également pour proposer de nouvelles offres personnalisées grâce aux données recueillies.
Concernant les pratiques sportives professionnelles, les débats autour de la confidentialité et de l’accès aux données de santé persistent notamment concernant les limites entre performance sportive et respect de la vie privée. Certains estiment que l’intégrité des athlètes doit être protégée. Par exemple, en 2016, le groupe de hackers russes Francy Bears accède à la base de données de l’Agence Mondiale Antidopage et accède ainsi à plusieurs dossiers médicaux. A la suite de ces révélations, Simones Biles gymnaste est par exemple accusée de dopage alors qu’elle était sous traitement médical pour soigner des troubles de déficit de l’attention : le dossier médical mentionnait son traitement mais pas sa cause.
D’un autre côté, des initiatives comme le Transfer Matching System mis en place par la FIFA pour les transferts internationaux de footballeurs professionnels et amateurs cherche à pérenniser l’équité et la transparence entre les joueurs et les clubs. D’autres projets comme Empow’her consistent à réduire le manque de connaissance sur la physiologie féminine pour mieux évaluer son impact sur les performances sportives indéniable.
L’accès aux données de santé sportive pourrait permettre aux marques de créer des offres hautement personnalisées et d’innover dans le développement de produits adaptés aux besoins physiologiques des utilisateurs.
Cette connaissance approfondie favorise également un marketing et une publicité plus ciblés, augmentant l’efficacité des campagnes et l’engagement des consommateurs. De plus, elle ouvre la voie à des partenariats stratégiques entre les acteurs du sport, de la technologie, mais aussi des médias, du bien être, enrichissant ainsi l’offre de valeur pour les clients. Enfin, en offrant des conseils basés sur des données précises, les marques peuvent renforcer l’engagement des clients et encourager une fidélisation à long terme, tout en soulignant leur engagement envers la santé et le bien-être des utilisateurs.
La data pour les fans : L’importance du temps réel
Depuis plusieurs années, le suivi en direct des événements sportifs intègre de plus en plus de données variées, enrichissant l’expérience des spectateurs au-delà de la simple présentation des scores. Des statistiques toujours plus nombreuses permettant de mesurer l’intensité d’un match, certaines existent depuis plusieurs dizaines d’années, d’autres émergent dernièrement.
Parmi les informations désormais accessibles aux fans figurent, par exemple, le taux de possession du ballon en football, la vitesse de la balle au tennis ainsi que dans d’autres disciplines, la vitesse atteinte par les vélos ou les voitures, le taux de réussite des tirs, des passes et des services, ou encore la localisation en temps réel des participants. Ces données apportent une dimension supplémentaire à la manière dont les spectateurs vivent et comprennent les matchs et les performances.
Cela permet d’augmenter l’engagement et l’engouement vis-à-vis de ces différents sports. Cette expérience digitale augmentée se fait donc maintenant en temps réel ou à la demande, avec de nombreuses statistiques en multi device : on peut regarder une course sur sa télévision et en même temps consulter des statistiques sur son mobile.
C’est notamment ce que propose F1 TV qui proposent notamment des statistiques assez avancées :
- La carte des pilotes en temps réel avec leur position
- L’usure des pneus des différentes voitures
- Le classement avec des détails : écarts, temps au tour, temps intermédiaires, …
- La télémétrie : Vitesse, accélération, tours / minute, activation du DRS.
Dans l’univers du trail, la popularité croissante de ce sport repose en partie sur l’utilisation stratégique des données à plusieurs étapes clés. Les coureurs bénéficient d’un système de notation, comme le scoring sur Betrail ou l’UTMB Index, qui non seulement évalue leur performance mais sert également de critère d’éligibilité pour participer à certaines compétitions prestigieuses. En outre, l’existence d’applications dédiées au suivi en temps réel des participants pallie les défis de couverture vidéo dans des environnements difficiles – qu’il s’agisse de terrains isolés, de conditions météorologiques adverses ou de courses nocturnes. La disponibilité publique de ces informations offre une transparence immédiate sur le niveau et l’historique des athlètes, constituant une ressource précieuse pour les marques et les sponsors à la recherche de talents émergents.
L’exploitation de la data dans le sport pour les fans ouvre des avenues stratégiques pour les entreprises, leur permettant d’améliorer l’expérience utilisateur, d’affiner le marketing (notamment le sponsoring), de développer des produits pertinents, de monétiser le contenu de manière efficace, d’optimiser les partenariats de sponsoring, et de renforcer les relations avec les clients.
En effet, les insights obtenus à partir des données des fans peuvent guider les entreprises dans le développement de nouveaux produits et services mais aussi de mieux comprendre quel type de contenu engage le plus les fans, offrant ainsi des opportunités de monétisation accrues. Cela va leur permettre de proposer des applications mobiles dédiées, des services de streaming améliorés ou des produits dérivés innovants mais aussi des abonnements premium, des contenus exclusifs ou des partenariats stratégiques. Ainsi, l’analyse des données aide à identifier les opportunités de marché et à répondre aux attentes des consommateurs et les entreprises peuvent générer des revenus supplémentaires en exploitant intelligemment ces données sportives.
La data pour les médias : raconter avec de meilleures précisions et plus de prédictions
Les rendez-vous sportifs sont aussi des événements singuliers dont le format du traitement médiatique ne cesse d’évoluer.
L’exemple du pure player nord-américain fivethirtyeight est à ce titre particulièrement intéressant pour illustrer les tendances rapportées à la presse écrite. Initialement centré sur les paris sportifs, puis la notoriété politique, cet acteur a su proposer jusqu’en juin 2023 un contenu innovant en proposant des modèles d’interprétation des résultats sportifs appliqués au basketball, football américain ou même pour les clubs anglais de première ligue de football. Par exemple, le modèle de prédiction sur la Major League Baseball (MLB) prend en compte un certain nombre d’indicateurs (les avantages sur le terrain, les pénalités, les jours de repos entre les matchs…) pour isoler les performances des joueurs et des équipes.
Alors que la médiatisation du sport, largement concurrentielle, est couverte par de nombreux acteurs qui formalisent souvent les mêmes messages, raconter un match ou suivre un championnat en intégrant une dimension data dans les contenus publiés peut s’avérer être une stratégie gagnante. Cette approche ne se contente pas d’enrichir la couverture d’événements sportifs ; elle élargit également la portée et l’impact des messages diffusés, optimisant ainsi le référencement SEO et, par voie de conséquence, les revenus issus de la publicité ou des abonnements. De plus, l’angle de la prédiction, soutenu par l’analyse de données, capte l’intérêt d’une audience additionnelle passionnée par les paris sportifs, ouvrant la porte à l’engagement d’un public nouveau et fidèle.
Pour les acteurs audiovisuels c’est une autre affaire. Le format du medium se prête en effet plus à une lecture interactive qu’une lecture analytique du sport. Les solutions comme EaseLive proposent des restitutions très synthétiques permettant de mettre en avant les données de performance des joueurs, la constitution des équipes ou encore le classement de ces dernières dans la compétition.
Conclusion
Dans un monde où le sport et la technologie se rencontrent de plus en plus, l’intégration de la data dans le domaine sportif ouvre des horizons inédits, tant pour les acteurs traditionnels que pour les nouveaux venus.
Que ce soit par l’enrichissement de l’expérience fan grâce à des analyses poussées et des prédictions, ou par l’optimisation des stratégies de contenu, les données se révèlent être un atout stratégique majeur. En outre, les données offrent d’importantes opportunités business, en permettant aux marques et aux sponsors d’identifier et de cibler plus efficacement les segments d’audience, d’améliorer l’engagement et de maximiser les retours sur investissement de leurs campagnes et surtout de proposer de nouveaux produits en adéquation avec les besoins des sportifs ou fans;
Elles permettent non seulement d’offrir une nouvelle dimension à la narration sportive, mais aussi de capter et d’engager un public plus large, tout en générant des opportunités publicitaires précieuses.
Alors que le secteur continue d’évoluer, l’exploitation judicieuse de la data sera sans doute un facteur clé de différenciation et de succès dans l’univers compétitif du sport.