Dans l’univers du voyage, l’expérience client est au cœur de la proposition de valeur. Les clients sont de plus en plus exigeants, volatils, et peu fidèles. Un simple irritant – un email mal ciblé, une offre inadaptée, un parcours client incohérent – peut suffire à les faire basculer vers un concurrent. Or, pour construire une relation client durable, il est indispensable de bien connaître ses clients, de comprendre leurs attentes, leurs comportements, et leurs préférences. Cela repose sur un socle fondamental : un modèle de données CRM structuré, adapté aux spécificités du secteur travel, et capable d’évoluer dans un environnement technologique complexe.
Le secteur du voyage se distingue par des dynamiques très particulières qui rendent la modélisation CRM à la fois passionnante et exigeante. Contrairement à d’autres industries où les achats sont réguliers et récurrents, les voyages sont souvent planifiés de façon ponctuelle, parfois une ou deux fois par an. Ce faible niveau de fréquence, combiné à une forte valeur unitaire par transaction, impose une capacité à capter l’attention au bon moment, souvent dans une fenêtre d’opportunité très étroite.
Par ailleurs, les parcours d’achat sont extrêmement fragmentés. Un même client peut passer de l'application mobile au site web, puis appeler un centre de réservation avant de finaliser son achat. La diversité des canaux – digitaux, physiques, humains – nécessite une approche omnicanale rigoureuse.
Ajoutons à cela la complexité des offres. Un séjour peut inclure un vol, un hébergement, des transferts, des assurances, des activités… chaque élément peut venir de prestataires différents, parfois dans différents systèmes. Enfin, il est courant qu’un voyage soit réservé par une personne pour plusieurs autres. Dans ce contexte, le client n’est pas toujours le voyageur, et inversement. Le modèle CRM doit être capable de représenter cette réalité complexe.
Un modèle CRM performant dans l’univers du voyage doit aller bien au-delà de la simple gestion de contacts. Il doit permettre de reconstruire une vision complète et unifiée du client, à travers toutes ses interactions, ses historiques de réservations, ses préférences, et ses comportements de navigation. Cette vision 360° est la condition sine qua non pour délivrer des communications personnalisées, pertinentes et contextualisées.
Mais ce modèle ne se limite pas à des usages marketing. Il doit aussi permettre une segmentation poussée des clientèles, un pilotage précis du cycle de vie client, une mesure de la valeur client (CLV), une anticipation des comportements à risque (comme le churn), et une optimisation de la relation à chaque point de contact. Il s'agit en somme de transformer la donnée client en levier de croissance et de fidélisation.
Pour atteindre ces objectifs, le modèle de données CRM doit s’appuyer sur une structuration claire autour de plusieurs entités fondamentales. L’entité centrale est bien sûr le client : il doit être identifié de manière unique, avec l’ensemble de ses informations personnelles, ses coordonnées, ses préférences (types de voyage, destinations favorites, fourchette budgétaire, etc.), ses niveaux de fidélité ou encore ses consentements marketing, conformément au RGPD.
Autour de cette entité client gravitent d’autres objets tout aussi essentiels. Il est par exemple souvent nécessaire de modéliser la notion de groupe de voyageurs – un foyer, un couple, une famille – car les décisions de voyage sont souvent collectives. Viennent ensuite les réservations, qui doivent refléter les achats effectués, leur statut, leur composition détaillée (vols, hôtels, activités), ainsi que les canaux par lesquels ils ont été effectués.
Les produits vendus doivent eux aussi être modélisés finement. Contrairement à un e-commerce classique, les produits touristiques sont complexes, variables, parfois sur-mesure. Le modèle doit donc permettre une flexibilité suffisante pour représenter des packages ou des services optionnels.
Les interactions entre le client et la marque – qu’il s’agisse de campagnes marketing, d’appels au service client, de conversations sur les réseaux sociaux, ou encore de feedback post-voyage – doivent également être historisées pour nourrir la compréhension du parcours.
Enfin, il est indispensable de prendre en compte les comportements digitaux en amont de la réservation : parcours de navigation, recherches effectuées, paniers abandonnés… Ces signaux sont essentiels pour capter les intentions, même si le client n’est pas encore identifié de manière certaine.
Un modèle de données CRM bien conçu permet d’adresser une large variété de cas d’usage à forte valeur ajoutée. En marketing, il devient possible de proposer des recommandations d’offres ou de destinations en fonction du profil et de l’historique du client. Les relances peuvent être automatisées et contextualisées, notamment dans le cas des paniers abandonnés ou des devis non transformés.
Le modèle permet également d’activer des campagnes plus intelligentes, en se basant sur des événements (anniversaire de voyage, retour de séjour, météo dans une destination visitée, etc.) plutôt que sur des scénarios figés.
Pour le service client, disposer d’une vision consolidée des interactions permet d’améliorer la qualité de la réponse et de personnaliser la relation. Dans une logique plus analytique, il devient possible de mesurer précisément la valeur client, de modéliser la lifetime value, de segmenter les profils selon leur appétence à certains produits ou destinations, ou encore d’identifier les clients à fort potentiel de fidélisation.
La construction d’un modèle CRM dans le secteur du voyage implique de nombreux défis techniques. La qualité des données est un enjeu majeur : les bases clients sont souvent entachées de doublons, d’informations obsolètes ou incomplètes. La réconciliation des identités est particulièrement complexe : un client peut réserver avec un email, naviguer sur mobile avec un autre identifiant, puis appeler sans s’authentifier.
Le respect du RGPD et la gestion des consentements doivent être pensés dès la modélisation. Chaque donnée collectée doit être justifiée, consentie et traçable. Techniquement, cela suppose de modéliser les opt-ins, avec leur date, leur canal d’origine et leur statut.
Par ailleurs, le modèle doit pouvoir s’interfacer avec une pluralité de systèmes – outils transactionnels, CRM marketing, outils d’automatisation, plateformes d’activation média, outils de BI. Il doit être performant, évolutif, et capable de répondre à des cas d’usage temps réel (ex : relance immédiate après une navigation) aussi bien qu’à des analyses à froid (segmentation stratégique).
Enfin, l’enjeu est aussi organisationnel. Un bon modèle de données ne sert à rien s’il n’est pas compris, adopté et utilisé par les équipes marketing, produit ou relation client. La collaboration entre les équipes data et les métiers est essentielle pour co-construire un modèle utile, vivant, et aligné sur les objectifs de l’entreprise.
La mise en œuvre technique d’un modèle CRM performant repose sur une architecture moderne, modulaire, et centrée autour d’un entrepôt de données. La collecte des données peut se faire via des outils comme Segment ou Snowplow, qui permettent de capter les événements sur les canaux digitaux. Ces données sont stockées dans un entrepôt cloud (Snowflake, BigQuery ou Redshift) qui centralise l’ensemble des sources – données clients, transactions, navigation, campagnes marketing.
Les transformations sont orchestrées via des frameworks comme dbt, qui permettent de construire un modèle de données documenté, testé et maintenable. Une fois le modèle CRM consolidé dans l’entrepôt, des outils de reverse ETL comme Hightouch ou Census permettent de le synchroniser vers les outils opérationnels : CRM marketing (Braze, Adobe Campaign, SFMC), plateformes publicitaires, ou même applications internes.
Enfin, la visualisation des données, indispensable pour les équipes métier, est assurée via des outils de BI comme Looker, Tableau ou Power BI. Cette architecture permet de combiner robustesse, gouvernance et agilité.
Le secteur du voyage est l’un des plus exigeants en matière de relation client. Dans ce contexte, la qualité du modèle de données CRM fait la différence entre une approche opportuniste et une stratégie client durable. Construire ce modèle, c’est doter l’entreprise d’un langage commun, d’une base partagée entre les équipes, et d’un levier opérationnel puissant. Mais cela ne peut réussir qu’avec une alliance étroite entre data, marketing et produit. Car un bon modèle CRM n’est pas seulement une structure technique : c’est un catalyseur d’intelligence client.